Les conditions de présentation d’une œuvre modifient fortement sa perception, et l’urbanisme témoigne du glissement des centres d’intérêts de la société. Dernières Séances évoque à travers la disparition de ces lieux si particuliers que sont les cinémas de quartiers africains, celle d’un vecteur de culture, d’éducation, d’échanges et d’émerveillement, qui contribue au lien social.

“Ces lieux ne sont pas des ruines ou des vanités contemporaines. Un combat silencieux s’y joue.
Y entrer, c’est ressentir une certaine nostalgie devant ces vestiges chargés d’âme et d’histoire qui ont accueilli les émotions, des souvenirs collectifs.

Derrière chacun de ces espaces résistant à l’effacement, on retrouve le même motif : un binôme profond tissé avec un homme. Ces salles de cinéma ne doivent aujourd’hui leur fragile persistance qu’au cœur de quelques-uns – cinéastes qui se battent pour les faire revivre, projectionnistes qui, amoureux de leur salle, en sont devenus les gardiens obstinés. Et ils sont toujours là, lieux et veilleurs, dressés, dans l’attente d’une renaissance, d’une solution viable. Le temps et l’espace s’y suspendent ce sont des interstices, des lieux « entre-deux ».
Entre deux statuts : pas totalement abandonnés, pas encore réhabilités. Entre deux fonctions, donner à voir et donner à vivre. Entre deux sphères, celle du collectif et celle de l’intime, de la fiction et du réel. Entre deux affects aussi, une forme de mélancolie et un espoir têtu.

Au Mali particulièrement, le cinéma a toujours tenu un rôle très important – art et infrastructure, loisir et ciment social, lieu de rencontre culturel et intergénérationnel. Ses films, souvent engagés, décomplexent la parole du peuple, abordant, comme dans la tradition orale de la palabre et du conte, les thèmes millénaires de la famille, des tabous, de la transmission, sans oublier de divertir.

The Last Picture Show dresse le portrait de ces salles réduites au silence, et de ceux qui tentent de les préserver, conscients que si les hommes construisent les espaces, certains espaces contribuent, eux aussi, à la construction de l’humain.”

Beryl Chanteux
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